Le Peul pasteur et le Peul cultivateur
[haut]
L'histoire
montre que les Peuls ont conquis des régions, soumis des populations,
introduit l'islam. Au Fouta-Djalon, ils ont créé un État théocratique
au XVIIIème siècle et sont devenus les maîtres du pays en
s'installant dans le haut plateau, le plus propice à l'élevage.
Sédentarisés, ils sont restés des Peuls. Mais la conquête du Sokoto
par Ousman dan Fodio et la réforme religieuse qu'il y a menée, au
début du XIXème siècle, ont abouti à ce paradoxe: La perte
de l'identité des Peuls et de leur langue en particulier et le
triomphe de la culture des populations Haoussa conquises. En somme,
l'absorption des vainqueurs par la masse des vaincus. L'image attachée
au Peul est celui d'un pasteur, incapable de s'adonner aux travaux des
champs. On distingue souvent les WoDaaBe (Niger) et les Mbororo
(Cameroun), pasteurs nomades dont l'élevage constitue l'activité
essentielle, des Foulbé, également éleveurs, mais surtout
agropasteurs, dont l'économie plus souple évolue au gré de phases
sèches ou humides: Ces Foulbé ont la capacité de s'investir dans
l'élevage, dans l'agriculture ou dans le commerce et de favoriser
l'une ou l'autre de ces activités en fonction des circonstances
(crises climatiques, politiques ou économiques). Malgré la diversité
des situations, les Peuls sont toujours identifiés et reconnus comme
faisant partie d'une même communauté. Cette diversité rend très
difficile leur analyse, tant il faudrait multiplier les exemples pour
approcher la réalité. Il faut cependant réaliser que cette société est
en perpétuelle évolution, que des migrations sont en cours, telles
celles du Tchad en République centrafricaine ou du Mali en Côte
d'Ivoire. Quitter une zone aride pour gagner une région humide n'est
pas sans risques pour les troupeaux et s'accompagne de changements
dans l'économie et dans le mode de vie. Ces exemples de mobilité dans
l'espace et dans la gestion des troupeaux et dans la stratégie
prouvent une capacité d'adaptation remarquable.
Elevage
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L'économie
traditionnelle des Peuls, est encore l'élevage. La viande, à
l'exception des volailles et en dehors des gros centres, est très peu
utilisée comme source alimentaire directe, et le bétail est plutôt
source de revenues à travers le commerce. Les troupeaux sont un
capital à sauvegarder et dans l’alimentation sont utilisés surtout les
produits secondaires dont on fait une grande consommation. Le plus
commune est le lait, exceptionnellement consommé frais (bìra),
normalement en forme fermentée (làtthiri kòssan ou lait caillé) et le
beurre cuit (nèbban nàhi - "huile des vaches"). Tous ces produits sont
utilisés comme condiment, généralement sur le fonio (fògnè), le maïs
ou le riz.
Traditionnellement, les peuls sont des éleveurs: Ils poursuivent
aujourd'hui cette activité en profitant des immenses plateaux herbeux
et peu propices aux cultures, sans véritablement chercher à
l'intensifier dans la plupart des cas.
Ils se
sont en effet plutôt spécialisés dans les cultures, car le climat
tempéré et relativement humide du Fouta est favorable aux cultures
maraîchères et céréalières, là où l'eau peut être maîtrisée et la
terre fertilisée. Les producteurs évoluent dans des bas-fonds, sur les
plateaux ou les coteaux pour quelques-uns.
Les Kolebe
restent aujourd'hui les derniers éleveurs transhumants dans la plaine
de Timbi. Leur avenir est fortement compromis par les cultures
permanentes notamment celles impulsées par les nouveaux agriculteurs à
la recherche d'un complément de revenu. C'est la fin des jachères et
du pâturage naturel car les éleveurs ne peuvent plus avoir accès aux
ressources pastorales dans la plaine de Timbi-Madina. En fait, la
convention traditionnelle d'accès aux ressources pastorales entre
éleveurs et agriculteurs est remise en cause par le développement de
la pomme de terre dans la plaine. Ce type d'élevage est considéré
aujourd'hui comme une activité non rentable et même un obstacle à
l'extension de l'agriculture de rente et à l'urbanisation rurale.
L'urbanisation rurale touche également l'élevage transhumant: les
parcours pastoraux des Kolebe (entre plaine et vallée) tendent
de plus en plus à être obstrués en raison des constructions
immobilières. Ces mutations affectant actuellement la gestion de la
plaine de Timbi-Madina posent donc un problème d'aménagement du
territoire et d'affectation des ressources naturelles en fonction de
leur exploitation. Les occupations de l'espace se font d'une manière
anarchique, renforçant en fait l'insécurité de tous les acteurs et
multipliant les conflits.
Les
revendications, réclamations et contestations des transactions
foncières sont devenues pratique courante. Cette plaine représente un
enjeu capital pour les populations locales et chaque acteur a besoin
d'argent pour vivre. L'absence de moyens empêche les nouvelles
instances décentralisées d'assumer leurs responsabilités locales
notamment en matière de sécurisation foncière, dans la mesure où elles
sont responsables de la gestion des ressources naturelles, de la
préservation de l'équilibre écologique et de l'aménagement du
territoire.
Agriculture
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L'agriculture traditionnelle
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Dans ce
processus, le prêt des terres de culture, selon la pratique
traditionnelle, devient de plus en plus rare. Il se transforme plutôt
en une stratégie d'enrichissement du sol au profit du propriétaire
foncier: celui qui prête son terrain, actuellement, le fait dans le
but de le reprendre après deux années d'exploitation. En effet, la
pomme de terre, selon les ingénieurs agronomes, ne peut être cultivée
dans les deux premières années en raison de la pauvreté du sol de
plaine. Comme technique locale d'enrichissement du sol, il faudrait
cultiver d'abord le riz ensuite le maïs. Une telle exploitation
participe à l'enrichissement du sol et permet ensuite la culture de la
pomme de terre. Une telle stratégie n'est jamais affichée par le
propriétaire: il prête la terre en effet sans fixer la durée du prêt
et en sachant qu'au bout de deux ans il pourra le reprendre pour
cultiver la pomme de terre, plus rentable que le riz ou le maïs. Cette
stratégie est souvent utilisée par les propriétaires locaux qui ne
disposent pas de moyens suffisants pour investir dans la production de
la pomme de terre.
Les
nouveaux agriculteurs sont ceux qui s'intéressent à l'achat des terres
dans la plaine. En effet, le propriétaire foncier ne pouvant faire
déguerpir le paysan non-propriétaire, souvent en raison des prêts très
anciens, lui propose le rachat de la terre souvent à un prix
exorbitant. L'insolvabilité du paysan devient dès lors le motif
essentiel de son éviction. C'est le Manga, ancien chef des
captifs, qui sert, nécessairement, d'intermédiaire entre vendeur et
acheteur en raison de sa connaissance des terrains dans la plaine. Ce
mécanisme coutumier montre surtout qu'il n'est pas facile pour un
étranger de devenir propriétaire foncier dans cette plaine, sauf s'il
montre une capacité à jouer sur des relations amicales ou parentales
aux niveaux local ou villageois. D'où la théorie d'individualisation
«imparfaite» des droits dans le monde rural.
Il va sans
dire que les paysans locaux vivent dans une insécurité foncière sans
précédent Le système de jachère n'est donc plus opérationnel dans la
mesure où les terres de plaine sont cultivées toute l'année. Les
droits d'usage sont donc menacés comme ceux des éleveurs transhumants.
Les bas fonds et les plateaux
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Les
bas-fonds: En saison sèche, on y cultive surtout de la pomme de terre,
de la tomate ou de l'oignon, principales cultures de rente. Sur les
bas-fonds bien irrigués, bien drainés et fertiles, peuvent suivre deux
cultures dans la rotation annuelle: maïs éventuellement associé à
l'arachide ou au haricot, puis riz en pleine saison pluvieuse.
Dans les
bas-fonds moins favorisés, seule une culture de maïs ou de riz suivra.
Les bas-fonds, en général, sont de faible superficie. L'eau peut y
tarir précocement dans le nord de la zone. La clôture est
indispensable en haie vive ou en bambou.
Les
plateaux: Traditionnellement, on y produit du fonio en saison
pluvieuse, après des jachères pluriannuelles. Sur certains plateaux un
peu plus fertiles, depuis 4 ans, des producteurs expérimentent la
culture de pomme de terre d'intersaison (plantation en fin de saison
des pluies) suivie du riz ou maïs en saison pluvieuse, avec forte
fertilisation organique et minérale. La superficie moyenne cultivée
est alors de 1 hectare. Sinon, la majorité des plateaux est simplement
pâturée par le bétail.
Les
coteaux: Du fonio, du riz pluvial et de l'oignon de saison pluvieuse
par endroit y sont cultivés.
Le cas spécifique de la pomme de terre
[haut]
Les enjeux
fonciers actuels dans la plaine de Timbi-Madina sont à la base à la
fois de l'extension de la production de la pomme de terre et de
l'urbanisation rurale mettant en cause le système agropastoral
traditionnel et accentuant le problème foncier des agriculteurs et des
éleveurs traditionnels.
La
rentabilité de la production de pommes de terre a en effet attiré
d'autres catégories sociales dans l'exploitation agricole. C'est le
cas aujourd'hui des notables, ouvriers, fonctionnaires, ingénieurs
agronomes, commerçants et d'autres citadins. Depuis 1998, de nombreux
conflits fonciers se dessinent entre les nouveaux producteurs (de
rente) et les agroéleveurs traditionnels.
Le projet
de développement agricole (PDA) a commencé en février 1988 dans la
sous-préfecture de Timbi-Madina. Les bas-fonds de Laafou, autrefois
domaine de l'administration coloniale, ont été affectés par l'Etat
guinéen à l'implantation de ce projet agricole, l'objectif étant
l'aménagement des périmètres agricoles et l'attribution des terres aux
paysans locaux. Un des critères essentiels de sélection des paysans
reposait sur la notion d'«investissement humain», le choix se faisant
par la participation des paysans aux travaux de canalisation,
d'aménagement et leur degré d'engagement dans la gestion des
périmètres exploitables. Il s'agissait, par cette stratégie, d'exclure
toute personne qui ne serait pas motivée dans l'exploitation directe
et personnelle. C'est une façon d'abolir la pratique du servage, le
système de prêt ou de la main-d'œuvre salariée. C'est pourquoi le
projet prohibait la mise en valeur des parcelles attribuées par
l'intermédiaire de tiers. Il s'agissait également de favoriser
l'émancipation des femmes par l'accès direct et personnel au foncier.
La pomme
de terre, outre sa rentabilité, est une culture dont les conditions de
production conviennent particulièrement aux paysans du plateau central
du Fouta Djallon. Mais ceux-ci se heurtèrent très rapidement aux
problèmes de conservation et de commercialisation de leur production.
L'enjeu de
la commercialisation de la pomme de terre en Guinée montre bien qu'il
ne suffit pas aux paysans de produire mais encore faut-il vendre leur
production. Le problème des producteurs guinéens provenait en
particulier de l'importation de la pomme de terre de Hollande avec un
prix défiant toute concurrence. Cette importation constituait un
obstacle important à l'écoulement de la production locale. C'est ainsi
que les producteurs locaux ont constitué une fédération des paysans de
la Moyenne Guinée.
Les
tubercules de pomme de terre mis au marché par les paysans sont d’une
forme allongée et régulière et d’une maturité homogène. L’acheteur
peut y trouver tous les calibres exigés pour la consommation en l’état
et la transformation industrielle. Ces calibres varient de 30 à 60 mm
de diamètre. La peau est lisse et claire. La couleur de la chair,
aussi bien à l’état cru qu’après cuisson reste inaltérée (absence de
verdissement, de brunissement et de noircissement interne). De par
leur texture, les pommes peuvent être utilisées à toute fin: la chair
est un peu farineuse, assez fine et ferme.
Commerce
[haut]
Le
commerce vit un essor non moins sans importance dans la région.
Supporté par une mentalité parcimonieuse et opportuniste, et malgré
les faibles moyens à leur disposition, les opérateurs économiques de
la région ont mis en évidence un dynamisme audacieux et sont ouverts
au monde moderne du business. Les nouvelles possibilités de commerce
international sont mises à profit pour un meilleur contrôle du marché.
Artisanat [haut]
L'artisanat au Fouta Djallon est assez diversifié mais reste
principalement basé sur des productions utilitaires, essentiellement
destinées au marché local. Cependant avec l'essor du tourisme, de
nouveaux produits apparaissent à partir des techniques locales. Les
activités les plus développées sont:
1
La
vannerie:
Ce sont les femmes, souvent organisées en groupement comme à Sébhory
et à Dalaba, qui fabriquent des paniers. A Labé, la vannerie s'est
développée sous une forme différente avec des objets plus grands
(paniers à linge, corbeilles à pain et autres grands paniers).
2
Le travail du cuir
:
C'est une autre spécialité de la région, liée à l'importance de
l'élevage. Les cordonniers réalisent une grande diversité d'objets qui
vont de la paire de babouches, aux sacs à main en passant par les
sous-verre et autres.
3
Le tissage
:
Les tisserands réalisent sur de petits métiers des
bandes de tissu en coton de 20-25 cm de large et de longueur variable
(à la demande). Le plus couramment ces bandes sont réalisées en bleu
et blanc, mais il est possible de faire des commandes spéciales
associant d'autres couleurs. A partir de quatre bandes de tissu
cousues ensemble, les tisserands réalisent des pagnes vendus tels
quels ou teintés en bleu indigo.
4
La teinture à l'indigo
:
L'une des grandes spécialités du Fouta est la teinture à l'indigo soit
sur basin soit sur tissu traditionnel. La teinture indigo est obtenue
grâce à un processus assez long de macération de feuilles de
l'indigotier. On trouve ces tissus sous forme de pagnes, vendus le
plus souvent par deux. Mali et Labé sont les deux principales villes
où s'exerce cette activité.
5
La
bijouterie:
Les bijoutiers travaillent principalement l'argent, mais aussi l'or et
le cuivre sur commande. Ils réalisent bagues, bracelets, chaînes,
boucle d'oreilles et autres pendentifs à la demande.
6
L'artisanat utilitaire:
Sur les marchés et notamment le dimanche à Dalaba, on trouve de
nombreux produits de l'artisanat local tels que les nattes tressées en
fibre végétale, les jarres en terre cuite, les tabourets ronds
décorés ou encore les calebasses et autres hamacs.
Tourisme [haut]
Le Fouta
Djallon ne dispose d'aucune industrie, ni d'exploitation minière
malgré d'importants gisements de bauxite. Sa nature y est donc
totalement préservée et les sites remarquables sont innombrables :
falaises avec leurs échelles, chutes d'eau impressionnantes surtout en
fin de saison des pluies, rivières propices aux baignades, paysages
grandioses parsemés de chemins de randonnées pédestres reliant entre
eux les villages aux cases traditionnelles.
Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives en Guinée (ITIEG)
www.itie-guinee.org
Documents
[haut]
Durand, Oswald : Les industries locales au Fouta (03/1932)
durand-1932-industries-locales-fouta.pdf <pdf> 1,117 Mo
Ristorcelli, Michel : Le traitement indigène de la trypanosomiase chez les peuls du Fouta Djallon (1939)
Ristorcelli-traitement-indigene.pdf <pdf> 440 Ko
Baldé, Saikhou : L'élevage au Fouta-Djallon (régions Timbo et Labé) (1939)
Balde-elevage-Fouta-Djallon.pdf <pdf> 1,1 Mo
Appia, B. : Les forgerons du Fouta-Djallon (1965)
forgerons_du_fouta-djallon.pdf <pdf> 2,6 Mo
NN : Première étude de base sur la situation économique et sociale des artisans de Labé (12/1998)
NN-etude-GTZ-4ATA.doc <doc> 630 Ko
Bah, Thierno : Mutations et crise d'identité au Fuuto Jaloo : La fin du pastoralisme? (1999)
Bah-fin-du-pastoralisme.pdf <pdf> 845 Ko
REGOA : Plans d'actions. Mesures génératrices de l’emploi dans le secteur de l’artisanat par rapport au cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (DSRP) (04/2002)
REGOA-2002-Plan-dactions.doc <doc> 590 Ko
Bureau Régional de Planification et du Développement (BRPD) : Bulletin de statistiques 2002. Région administrative de Labé (10/2003)
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Tall, Ahmédou : Plan d'affaires de la société industrielle des plantes agricoles et aromatiques du Fouta (SIFPAA) (01/2004)
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Dia, Boubacar et Tall, Ahmédou : Micro finance and pauvreté dans la région administrative de Labé (09/2006)
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Bennett, James : La qualité de vie dans la région de Labé (12/2006)
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Tall, Ahmédou : Climat des affaires dans la Région Administrative de Labé (06/2007)
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Goumou, Matho Nianga : Le potentiel minier de la Moyenne Guinée - Etat actuel des recherches (02/2008)
Goumou-2008-Secteur-minier.pdf <pdf> 390 Ko
Tall, Ahmédou : Evaluation des besoins en renforcement des capacités du Bureau Régional du Plan et du Développement de Labé et des 5 Directions Préfectorales (03/2008)
Tall-2008-structures-deconcentrees-plan.pdf <pdf> 78 Ko
Dia, Aboubacar : Rapport sur la formation en collecte, traitement et publication des statistiques (05/2008)
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Haidara, Abdoul Latif : Etude sur le secteur hôtelier de la Région Administrative de Labé (06/2008)
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Bah, Alsény : Evaluation des capacités des structures d'appui au secteur privé dans la région administrative de Labé (07/2008)
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Haidara, Abdoul Latif : Etude sur les systèmes de suivi-évaluation des projets et programmes intervenant dans la Région Administrative de Labé (02/2009)
Haidara-2009-Systemes-suivi-evaluation-RA-Labe.pdf <pdf> 186 Ko
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