L'enseignement d'antan
[haut]
(Source : El Hadj Thierno Mamadou Bah, Histoire du Fouta-Djallon. Des origines à la pénétration coloniale. 2008.) Le congrès du Fouta théocratique rendit l'enseignement obligatoire pour tous les musulmans. Les enfants des deux sexes entrent à l'école à l'âge de sept à neuf ans. Il suivent la classe du vendredi après-midi au mercredi matin. Ceux dont les parents résident dans le village du marabout sont hébergés par leurs familles. Ceux provenant de villages éloignés sont à la charge du maître qui les nourit, les loge, les parents ayant la charge de les habiller. Le maître a le droit de les employer dans tous les travaux domestiques. Il les corrige en cas de nécessité par les tapes légères ou par un fouet.
Dès que l'enfant finit la simple lecture du Coran qui est le premier livre à étudier, les parents payent au maître un boeuf ou sa valeur, pour prix de l'enseignement dispensé.
A partir de ce moment, l'élève commence à apprendre successivement la théologie et le droit musulman ou toute autre discipline lui permettant de comprendre la réligion musulmane.
Suivant son intelligence et sa volonté, il affronte ensuite la littérature, la grammaire et les mathématiques.
Lorsqu'il parlera et écrira couramment la langue arabe, son maître lui commentera le Coran. A la fin de ce commentaire, une cérémonie réunit les notables et les parents pour la délivrance du diplôme de "Thierno". A cette occasion le maître recevra un boeuf ou sa valeur.
Ainsi organisé, l'enseignement fut dispensé dans des conditions difficiles. Le matérial scolaire était très rudimentaire. L'encre, la planchette, le roseau servant de porte-plume sont des produits locaux suffisants. Le manque de livres, les difficultés de communication pour s'en procurer ailleurs obligeaient les élèves à tout réciter.
Malgré ces difficultés, les résultats positifs enregistrés permirent au bout de quelques années, de classer le Fouta parmi les pays les plus prestigieux. D'éminents poètes, des érudits, des religieux se trouvaient en grand nombre dans les régions et lorsque le Grand Marabout, El Hadj Omar, traversa le pays en 1845, il ne put s'empêcher de déclarer: "J'ai rencontré 313 marabouts dont trois cents me sont inférieurs, dix sont mes égaux et trois me sont supérieurs." Celui qui connaît la grande érudition de ce grand homme peut juger du degré d'instruction des maîtres de la réligion musulmane dans le Fouta-Djallon à l'époque précisée.
Education aujourd'hui
[haut]
(Source : SRP régionale de la région administrative de Labé) La région de Labé a l’un des Taux Bruts de Scolarisation (TBS) les plus faibles du pays 60% contre 77% au niveau national(QUIBB 2002) ; celui des filles est aussi le plus faible du pays (56% contre 70% au niveau national). A cause des disparités dans la région ces taux sont encore plus faibles dans certaines préfectures. A Koubia, par exemple, ils représentent respectivement 44% et 42%. Il existe aussi une disparité interne dans les préfectures qui fait qu’à Mali et Tougué, où elle est très marquée, on enregistre un TBS de 17% à Salambandé, 29% à Touba, 31% à Madina Wora et 19% à Fello Koundouwa.
Ensuite, le QUIBB 2002 indique qu’après Kankan (31,1%) et Faranah (44,7%), Labé est la région ayant le plus faible taux net de scolarisation (TNS) au primaire (46,8%) contre (54,1%) au niveau national (voir carte suivante). Egalement, après Mamou (53,8), elle a le plus faible taux d’accès au primaire (67%) contre (76% au niveau national). Dans la région, le taux d’élèves non satisfaits des services de l’école au primaire est de 75,3% contre une moyenne nationale de 65,9% ; celui des non satisfaits des services de l’école au secondaire est de 74,7% contre une moyenne nationale de 62,9%. En outre, selon une étude récente (IIZ/DVV septembre 2004) Labé enregistre le taux d’analphabétisme le plus élevé du pays (78,49%) contre (72,86%) au niveau national).
La
faiblesse de ces différents indicateurs scolaires s’explique par des
difficultés principalement relatives à l’insuffisance
d’infrastructures, de personnel de qualité, d’équipements et de
manuels didactiques. De leur interrelation découlent des problèmes
connexes que sont le faible taux de scolarisation, la déperdition
scolaire, le faible rendement scolaire, le faible niveau des élèves,
le coût très élevé de la formation au niveau de l’enseignement
technique et de la formation professionnelle.
Répartition des écoles privées de la région par préfecture
et selon le type d’enseignement
[haut]
Source :
Rapport enquête SRRP Labé, août 2005
En effet,
le développement des infrastructures a connu un rythme moins soutenu à
Labé que dans d’autres régions. Ainsi, de 2002 à 2004, le taux
d’accroissement du nombre de salles de classes au primaire a été de
2,3 contre 2,98 au niveau national, 3,27 dans la région de Kindia et
2,9 dans celle de Kankan (DSRP Labé, décembre 2003). Si bien
qu’aujourd’hui encore, c’est seulement 17% des écoles au primaire qui
ont 6 classes ou plus, 39% n’ont qu’une ou 2 classes. Les disparités
entre préfectures et entre zones urbaines et zones rurales rendent
encore la situation plus exacerbée dans la région. A Mali, 59% des
écoles sont à une ou 2 salles. Ensuite, 4% du total des salles de
classe pratiquent la double vacation et 8% sont en multigrades. La
double vacation est plus prononcée à Labé où elle est pratiquée par 8%
des salles et les classes en multigrades à Mali où 13% des salles le
sont. Enfin, le ratio élèves/salles de classe en 2005 au primaire est
de 45,2 contre un ratio de 43 tel que prévu par l’éducation pour tous
(EPT). Le secondaire enregistre une situation plus accentuée dans la
mesure où l’augmentation du nombre de salles de classes est plus
faible qu’au primaire. A ce niveau les salles de classes présentent
des effectifs très élevés qui affectent la qualité de l’enseignement.
Les écoles
privées émergent particulièrement à Labé, mais les revenus des
populations ne favorisent pas souvent la scolarisation des enfants
dans ces établissements. Le tableau suivant donne le nombre de ces
établissements dans la région.
Le centre
de formation professionnelle (CFP) et l’école normale d'instituteurs
(ENI) de Labé sont à l’étroit dans leurs propres locaux du fait qu’ils
abritent l’école des soins de santé communautaire (ESSC) et une partie
du centre universitaire. Ces établissements professionnels n’arrivent
pas à satisfaire toute la demande en matière de recrutement (voir
tableau suivant). Le centre universitaire de Labé (CUL), création
récente, dont le site est situé à une vingtaine de kilomètres du
centre ville, souffre d’un manque crucial d’infrastructures et
d’équipements. Egalement la capacité d’accueil des centres NAFA est
rendue faible face à la progression des effectifs à alphabétiser.
Situation des recrutements des écoles professionnelles en 2004 [haut]
Etablissements |
Recrutement |
Candidats
au
recrutement |
Recrutés |
Garçons |
Filles |
Total |
%
filles |
Garçons |
Filles |
Total |
%
filles |
CFP |
108 |
22 |
130 |
16,9 |
40 |
3 |
43 |
7,0 |
ENI |
224 |
257 |
481 |
53,4 |
136 |
184 |
320 |
57,5 |
ESSC |
168 |
236 |
404 |
58,4 |
42 |
194 |
236 |
82,2 |
Total |
500 |
515 |
1015 |
50,7 |
218 |
381 |
599 |
63,6 |
Source :
Rapport enquête SRRP Labé, août 2005
Il ressort
du tableau précédent que le taux de recrutement pour l’ensemble des
écoles professionnelles s’est élevé à 63,6% en 2004. Le recrutement
des filles est pratiquement insignifiant au niveau du CFP : sur 22
candidates, 3 seulement ont été recrutées. Les deux autres écoles
présentent une situation nettement différente. A l’ESSC, 194 ont été
recrutées sur un effectif de 236 candidates, contre 184 sur 257 à
l’ENI. Les pourcentages de recrutement des candidates (82,2% pour
l’ESSC et 57,5% pour l’ENI) montrent une forte présence de la couche
féminine dans ces deux établissements.
Situation des effectifs par filière au CFP de Labé [haut]
Filières |
Nombre d’élèves |
2002 |
2003 |
2004 |
Electricité |
23 |
26 |
21 |
Mécanique .auto |
17 |
08 |
10 |
Chaudronnerie |
08 |
06 |
- |
Menuiserie |
06 |
04 |
0 |
Plomberie |
15 |
12 |
09 |
Maçonnerie |
14 |
06 |
03 |
Total |
83 |
62 |
43 |
Source :
Rapport enquête SRRP Labé, août 2005
S’agissant
de l’équipement des institutions d’enseignement technique et
professionnel, notamment le CFP, les ateliers d’apprentissage sont
insuffisamment dotés et les moyens pour assurer la maintenance de
l’existant ne sont pas toujours disponibles. Cette réalité affecte la
diversification pour permettre la création de nouvelles filières
porteuses.
Les
effectifs du CFP enregistrent une baisse entre 2002 et 2004 qui se
situent à 24,4% de 2002 à 2003 et de 30,6% de 2003 à 2004. Toutes les
filières suivent cette tendance. Parallèlement à cette diminution, le
CFP a enregistré 130 candidats pour l’inscription en 2004.
Par
ailleurs, les trois écoles professionnelles publiques de la région
(CFP, ENI, ESSC) ont présenté aux examens de sortie de 2004 531
candidats sur lesquels 498 ont réussi, soit un taux d'admission de
93,8%. L'ENI a enregistré les meilleurs résultats de l'année avec un
taux de réussite de 96,6%, suivi de l'ESSC avec 90,2% et enfin le CFP
88,2%. Les résultats des filles montrent un résultat exceptionnel au
cours de 2004 avec un taux de réussite au niveau des trois écoles de
100%.
Résultats des examens de
sortie des écoles professionnelles (2004) [haut]
Etablissement |
Candidats aux examens de sortie |
Admis |
Garçons |
Filles |
Total |
Garçons |
Filles |
Total |
Garçons |
Filles |
Total |
CFP |
58 |
10 |
68 |
50 |
10 |
60 |
86,2 |
100,0 |
88,2 |
ENI |
143 |
177 |
320 |
132 |
177 |
309 |
92,3 |
100,0 |
96,6 |
ESSC |
48 |
95 |
143 |
34 |
95 |
129 |
70,8 |
100,0 |
90,2 |
Total |
249 |
282 |
531 |
216 |
282 |
498 |
86,7 |
100,0 |
93,8 |
Source :
Rapport enquête SRRP Labé, août 2005
Un autre
aspect essentiel de la qualité de l’enseignement est la question des
manuels scolaires et des équipements. Dans la région, le ratio
manuels/élève au public de 1,8 qui était l’un des meilleurs du pays en
2003 s’est dégradée en 2004 pour atteindre 1,5 ; sans doute, à cause
de l’accroissement des effectifs d’élèves. Ensuite, le ratio manuel de
lecture/élève au public qui était de 0,5 en 2003 a baissé à 0,4 en
2004. A ce rythme, les objectifs respectifs de l’EPT de 2 manuels par
élève et de 1 livre de lecture par élève ne seront pas atteints dans
la région, à la fin de la première phase du programme.
Quant au
personnel scolaire, le ratio élèves/maître au primaire en 2005 est de
49,3 contre 45, tel que fixé par les objectifs du programme de
l'éducation pour tous (PEPT). Le gap s’élève à 199 enseignants. Au
secondaire, Labé a connu entre 2001 et 2004, un taux de croissance des
effectifs au collège de 15,1%, et au lycée, les effectifs sur la même
période ont été multipliés par 1,8 (Rapport focus groupe éducation,
avril 2005). Ce qui fait qu’à ce niveau également, l’enseignement est
non seulement caractérisé par une insuffisance de personnel mais
aussi par des faiblesses dans l’optimisation des horaires statutaires
des enseignants en activité en rapport avec les organisations
pédagogiques. En effet, le système d’emploi du temps assez complexe
(matières au programme non regroupées) rend difficile l’optimisation
des ressources enseignantes surtout lorsque les enseignants ne sont
pas polyvalents sur des matières connexes comme les mathématiques et
les sciences, l’histoire et la géographie. L’enseignement technique et
professionnel et universitaire connaît de son côté une pénurie et une
mauvaise gestion des ressources humaines
Ensuite,
le problème de formation, en tant que garant de la qualité de
l’enseignement, se pose au personnel enseignant, à tous les niveaux.
Les critères de recrutement des élèves maîtres ne sont pas respectés ;
le temps de formation initiale dans les ENI est court (6 à 9mois) et
ne permet pas de prendre en charge tous les besoins de formation des
futurs enseignants. L’enseignant en situation de classe est presque
abandonné à lui-même, faute d’encadrement suffisant. La formation
continue ne prend pas en compte tous les besoins de formation des
enseignants. L’enseignement est caractérisé au niveau professionnel
par le vieillissement des effectifs et l’insuffisance de spécialistes
pour la création de nouvelles filières porteuses et au niveau
universitaire par l’insuffisance de la qualification pour
l’enseignement à dispenser (non détenteurs du diplôme équivalent). Il
en va de même des agents alphabétiseurs qui ne disposent pas toujours
d’approches appropriées d’intervention sur le terrain.
Enfin et d’une manière générale, des questions relatives à la corruption, aux violences, aux drogues et au VIH/SIDA dans les écoles demeurent une préoccupation dans la région. S’agissant des cas de violences scolaires, 9 cas ont été enregistrés en 2004 (7 à Mali dont un décès et 2 à Tougué), 6 en 2003 (3 à Mali et 3 à Tougué) et 11 en 2002 (7 à Mali et 4 à Tougué). Dans les autres préfectures, un seul cas a été enregistré à Lélouma courant 2005 (rapport enquête SRRP Labé, août 2005).
Liens
[haut]
Programme Sectoriel de l'Education (PSE) en Guinée
http://www.education-guinee.org/index.htm
Programme d'apprentissage en Allemagne : ASA
http://www.asa-programm.de/francais
Documents
[haut]
Marty, Paul : L'Islam en Guinée - Fouta-Djallon. Chapitre VIII : L'enseignement musulman (1921)
marty-1921-enseignement-musulman-fouta.pdf 277 Ko
Guinée Solidarité Paris (GSP) : Rapport sur la réalisation du projet "Rénovation de l'Ecole de Teinsira, Préfecture de Mali (2004)
gsp-2004-rapport-teinsira-ecole.pdf 334 Ko
Banque Mondiale : Le système éducatif guinéen (2005)
bm-2005-systeme-educatif-guineen.pdf 1,935 Mo
République de Guinée : Amélioration de la gestion de l’Education dans les pays Africains (AGEPA). Atelier du 16 au 18 mai 2006 à Dakar. Rapport de la Guinée (2006)
rg-2006-rapport-agepa-guinee.pdf 107 Ko
Association mondiale pour l’école instrument de paix (EIP) : La parole enseignante. Tradition orale et education citoyenne en Guinée (2006)
eip-2006-parole-enseignante-guinee.pdf 4,014 Mo
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